J'aime les gens.
Je vous aime.
J'aime les gens
Ce n'est pas d'un défaut d'amour
Dont il est là question
Vos émotions me touchent
Vos fragilités inconscientes
Me bouleversent et me font vibrer
Du reste, je les reçois entières
Sans filtre
De plein fouet
Je suis tout à la fois
Attendrie
Et submergée par la beauté
De votre apparente simplicité
De votre manière d'être sans hésiter
De votre croyance en une seule vérité
Je vous aime encore
Quand je cesse d'être observatrice
Pour tenter de participer.
J'aime le groupe
Construire collectivement
Ce qui n'aurait pas existé seul
S'enrichir de ces échanges
Philosopher toute la nuit
Chanter, jouer, danser
Se laisser enivrer
Par ces autres modes d'expressions
Vivre ensemble ces émotions
Les laisser nous traverser et nous dépasser
Je vous aime avec force, oui
Mais cet amour me creuse.
Je me dilue en vous
Mes pensées disparaissent quand vous parlez
Mon corps brûle quand vous me frôlez
Vos voix, vos avis, vos états d'âme
Sont autant de persistances
Sonores, intellectuelles, émotionnelles
Qui resteront en moi jusqu'à tard dans la nuit
En vain j'essaie de m'adapter
Je parais froide, pédante, empruntée
Je pleure de rage et de dégoût
Je me fais violence pour rester avec vous
Et même quand j'abandonne
Toujours provisoirement
Que je vous mets à distance
Plus ou moins volontairement
Que je hais votre inconscience
vos cœurs fermés, vos esprits obtus
Que je crie, démunie
Qu'on ne m'y prendra plus...
Même là, je vous aime.
Cette ambivalence m'épuise
Me dépasse et me désempare
Mon besoin de vivre cet amour, mon besoin d'appartenance
Mon besoin de solitude pour ne pas perdre ma consistance
Entrent en collision
Sans espoir de réconciliation
Je vous aime
Je ne vous supporte pas
Et ne sais que faire de ce sentiment-là.