Une de ces journées...

Publié le par Mamasperger

Une de ces journées...

C'est une de ces journées.

B. est malade depuis 3 jours - une saloperie qui lui donne des boutons dans la bouche et qui l'empêche non seulement de manger mais également de téter. Impossible de se réconforter face à la détresse et à la douleur, de la manière la plus efficace qu'il connaisse depuis qu'il est né. Impossible d'avoir accès à ce complément de nourriture qui ne fait jamais défaut d'ordinaire, même quand le reste ne passe pas.

Il a faim, il est fatigué, il a mal, et par dessus tout cela il se retrouve dans un sevrage forcé soudain, et donc nécessairement violent. Il me demande de le porter beaucoup, pour essayer de pallier ce contact rassurant qui lui manque tant.

Je l'accompagne du mieux que je peux. J'accompagne les endormissements, les multiples réveils dus à la maladie et au sevrage forcé. Je le porte - malgré des restes de lumbago. J'accueille ses pleurs - malgré leur puissance qui me vrille les oreilles et me donne envie d'hurler ou de me taper la tête contre les murs. Mais cela lui ferait trop peur, alors à la place je me mords la main. Il n'est pas dupe, il sent que "maman est en colère" ("Oui mon petit chat, mais ce n'est pas contre toi, c'est juste que Maman est très très fatiguée.") Des fois même, quand il sent que je craque, il prend sur lui alors même que c'est lui l'enfant - il se dit "chuuut" à lui même (alors que nous ne lui disons jamais "chut") et chuchote des petites phrases pour s'apaiser.

Bon an mal an, on s'en sort... et parfois, moins.

Au bout de trois jours et trois nuits de ce traitement, c'est une de ces journées où je ne peux plus contenir à grand peine mes traits autistiques.

C'est une de ces journées où j'hurle parce que les objets ne sont pas à leur place, tout en passant mon temps à les replacer frénétiquement au point que j'en néglige ma faim. Ma seule victoire consiste à contenir mes cris et les lâcher quand B. et A. sont à l'étage.

Tout m'envahit simultanément. De la micro miette sur laquelle je marche en chaussettes au panier de couverts posé sur "la mauvaise partie du plan de travail", de cette faim que je n'arrive pas à écouter à ces ralades de bébé malade que j'entends de loin.

C'est une de ces journées où mes fonctions exécutives sont quasiment nulles. Je ne sais plus comment on fait pour préparer un thé - dans quel ordre ? Aller chercher la bouilloire, la remplir, combien ? C'est crucial et je ne sais plus ! Ma tasse (la seule que j'utilise et heureusement qu'elle est propre sinon la contrariété serait monumentale) remplir la boule à thé, avec quel thé ? Combien ? C'est crucial et je ne sais plus ! Préparer à manger - je n'arrive pas à sentir la faim mais je sais, de manière théorique, que quand je mangerai ça ira mieux. Manger quoi ? Aucune idée. Incapacité totale à prendre la moindre décision, à savoir ce qui me nourrirait, ce qui est disponible, comment on le prépare.

Je finis par réussir à opter pour de la semoule, je la sors, je remplis l'assiette, en voulant la remplir d'eau je la renverse sur le plan de travail. Je commence à verser, réalise que ah non il faut d'abord rouvrir le placard, ressortir la semoule, reremplir l'assiette avec de la semoule, alors attends où est-ce qu'il faut que je pose la bouilloire ? Mais la présence de la semoule renversée est trop envahissante, il faut nettoyer avant, je pars vers la poubelle, mais ah non ce serait plus judicieux de faire gonfler la nouvelle semoule d'abord, comme ça je pourrais nettoyer pendant qu'elle gonfle. Retour au plan de travail, versement d'eau, retour à la poubelle, concentration extrême pour ne pas faire tomber la semoule par terre.

C'est une de ces journées où je suis censée m'occuper de B. jusqu'à 12h30, et je patauge dans mon angoisse à cette idée. Parce que je me fais peur. Parce que je me sens dans l'incapacité de m'occuper de moi, alors d'un enfant ? Malade ? J'ai peur de lui hurler dessus, j'ai peur d'oublier de le nourrir, d'oublier de le changer, de finir par me rouler en boule et pleurer (tout cela est déjà arrivé). Je sais que mon cerveau peut se mettre en black-out.

A. descend. Il s'est occupé de B. en haut, et l'a laissé peinard avec sa musique. Tout va bien. J'arrive à balbutier "Je ne vais pas y arriver..." A. appelle la nounou, aucun problème elle peut garder B. Il peut l'amener avant d'aller au travail.

Je me noie dans des sanglots de soulagement mêlés à la culpabilité et la déception. J'avais prévu des activités super pour ce matin, j'avais vraiment très envie de passer ce moment privilégié avec mon fils. Je suis tellement, tellement triste de ne pas pouvoir le faire...
Mais c'est A. qui a le bon réflexe, comme souvent. Il sait me protéger et protéger son fils quand je n'y arrive pas.

PS : avant que vous n'appeliez la PMI, on parlera une autre fois des moments où mes traits autistiques sont bénéfiques et apportent beaucoup à ma maternité...

Crédit photos : adamtepl de Pixabay

Crédit photos : adamtepl de Pixabay

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