Etiquette

Publié le par Neurodivergente

Etiquette

"Je suis autiste" ou "C'est une personne avec autisme" ?
La question de l'étiquette qui enferme ou qui libère.


J'ai parlé de ce sujet dernièrement avec deux personnes concernées indirectement par l'autisme - l'une a un proche autiste, l'autre est éducateur spécialisé. Je comprends bien leur argument qui part d'une grande douceur et bienveillance : dire d'une personne qu'elle est "avec autisme" pour ne pas la réduire à ses traits autistiques. Laisser la place à d'autres choses de s'exprimer. Je les rejoins sur la finalité, mais pas sur la forme.

Tout d'abord il y a la question du diagnostic. Quand on ne sait pas (ou qu'on ne croit pas) qu'il s'agit d'autisme, cette "étiquette" tant redoutée est remplacée très facilement par d'autres, bien plus délétères : fainéant, égocentrique, condescendant, dissipé, inattentif, froid, violent, idiot, ingérable... Poser un diagnostic, c'est commencer à comprendre ce qui se passe pour une personne neuro-atypique - commencer à mettre un sens sur des comportements.

Mais pour aller plus loin, je pense surtout que "autiste" n'est pas une étiquette tout simplement parce que ce n'est pas un jugement. Ce n'est même pas une maladie, ça ne se guérit pas, ça ne disparait pas. Autiste, c'est une description - c'est la description de mon neurotype. C'est pareil que si je dis que j'ai les yeux verts. Sauf que "yeux-verts" n'est pas porteur de jugements associés, alors qu'autiste, oui. Et ce sont ces jugements et idées reçues qui posent problème, pas le mot.

Dans le même ordre d'idée, si je dis "blonde" ça peut simplement être pris comme une description physique mais ça peut également être pris comme une insulte. Est-ce à dire qu'il faut arrêter de dire "Elle est blonde" d'une personne au cheveux jaunes ? Dire plutôt "C'est une personne avec blondeur" ? Non. Elle est blonde, je suis autiste. C'est un fait. Les éventuels jugements que certains associent à ces traits appartiennent aux personnes qui les portent.

Elle est noire, est-ce que ça veut dire qu'elle est aguicheuse ou tout le temps en colère ? Il est gros, est-ce que ça veut dire qu'il est bête ou méchant ? C'est une femme, est-elle forcément vénale ou manipulatrice ? C'est un homme, est-il nécessairement violent et insensible ? La réponse est évidente quand elle est posée de manière littérale - mais la plupart du temps, ces jugements inconscients portés par une société normative existent dans un coin de notre tête...

"Réduire la personne à son étiquette" ne se fait que quand on se laisse berner par ces jugements. Quand un seul trait, un seul élément d'une personne tend à le définir tout entier. Cette réduction n'appartient pas au mot, elle appartient à celui qui à un moment donné ferme son coeur et/ou son esprit, décide de ne pas aller voir plus loin. Et en cela, les personnes qui jugent les autistes ne les jugeront pas moins en parlant de "personne avec autisme", car le mot fatidique est tout de même prononcé !

Je suis autiste. Je suis mère. Je suis brune. Je suis musicienne. On pourrait me réduire à chacune de ces étiquettes, avec la cohorte d'idées reçues et de jugements qu'elles drainent. Ou bien on peut simplement entrevoir que chaque personne est plurielle, que nous avons tous plusieurs facettes qui nous constituent.

Etiquette
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :
Commenter cet article