Handicap et neurodiversité

Publié le par Mamasperger

La boîte de Pandore de la communauté autistique

La boîte de Pandore de la communauté autistique

Dans la vie, il m'arrive très souvent de ne pas comprendre ce qui fait débat. J'ai le sentiment permanent d'avoir raté un épisode ; une impression persistante que tout le monde a eu un mémo avant d'arriver, sauf moi.

C'est ce que je ressens quand je tombe sur des articles ou des débats autour du sujet de l'autisme en tant que handicap VS l'autisme en tant que neurodiversité. J'essaie de démêler les prises de positions de chacun mais je reste circonspecte. Du coup ce que je vais dire sera probablement emprunt d'une énorme naïveté sur le sujet, et j'espère que je ne froisserai personne parce que je sais d'expérience que cette naïveté est souvent prise à tort pour de la critique. Mes questions sont de vraies questions, quand je dis que je ne comprends pas ce n'est pas pour impliquer que ce que dit l'autre en face n'a pas de sens, mais bel et bien parce que... je ne comprends pas.

"Ha ha, tu comprends pas, toi qui es si intelligente...!"

Moquerie souvent entendue dans l'enfance de la part des autres enfants et de certains adultes agacés par mon côté "petit professeur".

Le contexte tel que je le perçois :
 
Il y a d'un côté ceux qui prônent le fait de parler de neurodiversité plutôt que de handicap. Ils considèrent que l'autisme (ou autre) est avant tout une différence, handicapante uniquement quand l'environnement n'est pas adapté. Il y a derrière cela une démarche d'acceptation de soi tel qu'on est plutôt que tel qu'on devrait être.
 
De l'autre, il y a ceux qui considèrent que cet argument est une négation des difficultés quotidiennes des autistes, et que prôner la neurodiversité risque de faire diminuer la prise en charge - déjà parfois difficile - de l'accompagnement des autistes. Il y a derrière cela des personnes autistes ou leurs proches qui peuvent avoir l'impression que leur souffrance est niée.

(Comme je vous le dis, je simplifie probablement le trait, n'étant ni clairement d'un bord ni de l'autre.)

Bon, jusque là moi je me dis que les deux positionnements ne sont pas nécessairement antinomiques
.
 
J'observe au quotidien à travers mes lectures que l'autisme, en tant qu'intelligence différente et rapport au monde tellement spécifique, peut être une incroyable richesse. Certes, je conçois qu'on puisse penser que c'est une idée facile à soutenir pour des ambassadeurs tels que Josef Schovanec, Temple Grandin, Alexandra Reynaud ou Julie Dachez qui semblent surfer avec aisance sur la vague de leur autisme (attention aux apparences, cela étant). Mais on peut également penser à des personnes comme Ido Kedar, Babouillec ou Carly Fleischmann, non-verbaux, avec des difficultés motrices, et une créativité époustouflante.
 
J'observe aussi dans mes lectures et dans ma vie les difficultés, les découragements, les impossibilités à avoir accès aux soins médicaux, à trouver (ou garder) un travail, à lacer ses chaussures ou apprendre à conduire, à avoir une vie amicale ou amoureuse...

Du coup ce que je ne comprends pas, en profondeur, c'est pourquoi ce sujet semble être si clivant. Il me semble que ce sont plutôt les deux facettes d'une même pièce.
 
J'avais trouvé très pertinente cette jeune fille dans une vidéo que malheureusement je ne retrouve pas, et qui disait en substance : "Soit on déclare que tu es autiste "de haut niveau" et on va minimiser voire ne pas prendre en compte tes difficultés, soit on va te déclarer "autiste lourd" et considérer que tu ne peux rien faire, te mettre dans des institutions et dire à tes parents que tu ne seras bon à rien."

Bien sûr c'est un peu caricatural de dire ça (et nombreux sont les acteurs de terrain qui vont voir plus loin que ça) mais ça met en exergue un pan important de ce débat : l'opposition entre un autisme "léger" et un autisme "sévère". Et qu'on soit d'un bord ou d'un autre, je trouve qu'on reste coincé dans un référentiel qui est celui du regard neurotypique.

Attention, je ne veux pas non plus entrer dans la croisade anti-neurotypiques qui peut exister dans certains milieux autistiques. Mais il me semble que les personnes les plus à même de parler du spectre autistique restent les autistes ! Pas les parents neurotypiques, quel que soit leur degré de souffrance. Pas toujours non plus les spécialistes, bien que je ne nie pas la pertinence de certains.
 
J'ai vraiment le sentiment que le problème se place plutôt à cet endroit-là - comme pour n'importe quelle minorité en fait.

Pour prendre un exemple plus parlant, j'ai de nombreux amis homosexuels et je suis très renseignée sur le sujet et engagée pour cette cause. Mais je n'aurai jamais la prétention de pouvoir parler à leur place de leur ressenti face à la discrimination, la peur de la violence et que sais-je d'autre...
 
Ça ne veut pas dire que je ne peux pas militer ni relayer les infos, mais je remettrai toujours mon discours à sa juste place, qui est celle d'une hétéro parlant des homos. Il serait absurde de donner plus de poids à ma parole sous prétexte que je fais partie de la majorité - et pourtant c'est souvent ce qu'il se passe. On écoute plus souvent ce que disent les hommes à propos de discrimination féminine, les hétéros à propos de l'homosexualité, les blancs à propos de racisme et les neurotypiques à propos de l'autisme.
 
Et c'est compréhensible, quelque part : la majorité parle forcément plus fort, puisqu'elle est supérieure en nombre.

En l’occurrence, parler d'autisme "léger" ou "sévère" (comme c'est le cas dans le DSM-V) c'est passer à côté de la notion de spectre autistique et le transformer en échelle. Sur une échelle on peut être plus ou moins autiste, sur un spectre on l'est de différente manière. Cela est extrêmement pertinemment exposé dans cet article, dont j'apprécie particulièrement cette citation :

Le rouge n’est pas "plus sur le spectre” que le vert ou le bleu. Les pommes ne sont pas “plus un fruit” que les oranges.

C.L. Lynch (MiKa pour la traduction)

A partir de là, il me semble qu'on pourrait proposer une autre dénomination, remplacer autisme "léger" par "invisible", et "sévère" par "visible". Cela éviterait de porter un jugement préconçu sur le degré de difficulté de la personne autiste, quelle que soit la forme que prend son autisme.

Et à partir de là, chacun peut être libre de se sentir plutôt "neurodivergent", "handicapé", ou bien les deux ! (Ce qui est mon cas) Car au fond ça n'engage que lui.

Du moment que la voix de chaque autiste sur son autisme reste la plus entendue, celle qui a le dernier mot.

Handicap et neurodiversité

Publié dans L'autisme au quotidien

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