Textes

Publié par Mamasperger

Textes

LE RYTHME DES AILES

Le soleil et mon cœur sont liés.
Le soleil et mon cœur... pas mon cœur figuré
Soyons clairs, il s'agit du muscle
La pompe à sang dans ma poitrine
Qui fait un rythme quand je touche une veine
Connaissez-vous l'effet du soleil sur ce rythme ?

Le soleil et mon cœur son liés.
Le soleil et mon cœur... pas le soleil propre
Soyons clairs, il s'agit de ses rayons
La chaleur qu'il diffuse sur ma peau
Et pas n'importe quel soleil non plus
Connaissez-vous le soleil de la méditerranée ?

Le soleil et mon cœur sont liés
Par le rythme et la chaleur
Et par ma peau qui en est le récepteur
Quand le soleil la prend toute entière
Et qu'il n'y a plus la moindre parcelle de chair
Qui résiste à la chaleur, et aux odeurs des arbres
Le cerveau ne peut plus réfléchir tout seul
La peau est devenu le centre nerveux
Le soleil a déposé sur elle une poudre
La poudre des ailes des papillons

Et la peau devient aussi fragile, réceptive
Et la peau devient le centre, et palpite
Et palpite comme les ailes d'un papillon

Et c'est ce rythme-là, très exactement celui-là
Que mon cœur adopte
Le rythme des ailes de papillon
Le rythme du soleil sur ma peau
Le rythme de mon sang dans mon corps
Je ne peux résister à cet effet physique
Scientifique et prouvé :
Le soleil et mon cœur sont liés.

Un peu de vent, un peu de poudre qui s'envole...

Mai 2005

Textes

Nous ne sommes pas autistes.

Un frôlement d'épaule nous met dans une colère noire
Nous aimons être serrés fort
Ensevelis sous une couverture lestée
Nous recherchons les fortes luminosités
Un simple néon nous aveugle
Nous avons physiquement mal quand le son est fort
Devenons fous quand les conversations se superposent
Écoutons en boucle la même chanson
Cinquante fois dans la journée
Fuyons les regards
Fixons trop longtemps
Certaines textures alimentaires nous donnent la nausée
Et pourquoi cette dame a-t-elle mis du parfum ?
Il faudra prendre les escaliers.

Nous ne sommes pas autistes.

Nous ne comprenons pas le sens de ce sourire
Ni de ce battement de cils
De ces pupilles dilatées
De ce pincement de lèvres
De ces sourcils relevés
Dans le doute, on se raccroche au sens des mots
Ah, non, c'était ce qu'ils appellent "second degré"
Ou bien de l'ironie
Ou encore du sarcasme ?
Il ne pensait pas ce qu'il disait
Il le pensait, mais pas littéralement
Avec une nuance logique, évidente
Il fallait deviner
Bien écouter le ton
Sont-ils télépathes ?

Nous ne sommes pas autistes.

Enfant, nous ne parlions pas du tout
Parlions trop, tout le temps, de la même chose
Et pas du tout à certaines personnes
Avons appris à grand peine
A limiter le flot
Minuter mentalement le temps de parole, puis
Poser des questions à l'autre
Parmi la liste de celles qui sont autorisées
Et surtout pas sur ce sujet qui nous intéresse tant
Avons encore fait une bourde
Pourtant, hier, la même phrase était accueillie avec bienveillance
Quelle est la logique ? Le dénominateur commun ?
Où est le mode d'emploi ?
Continuerons à passer pour des rustres
Sans jamais savoir pourquoi

Nous ne sommes pas autistes.

Avons appris qu'il ne faut pas
Donner des conseils quand quelqu'un se plaint ou pleure
Ce n'est pas logique, mais c'est comme ça
Ne voyons pas comment on pourrait ressentir 
une tristesse qu'on n'a jamais vécue
Passons pour insensibles
Avons des émotions, mais jamais les bonnes
Trop fortes, trop faibles ou décalées
Elles sont systématiquement mal interprétées
Elles ne se voient pas sur notre visage
Avons appris à ce qu'elles se voient
En copiant les mimiques aperçues dans l'écran
Méticuleusement
Pour le dosage, on repassera
L'essentiel, c'est que ça se voit
Malheureusement ça ne marche toujours pas

Nous ne sommes pas autistes.

Nous agitons sans cesse les mains
Balançons notre corps sur la chaise
Tournons nos yeux dans tous les sens
Marchons en aller-retours répétitifs
Au centimètre près
Ne le faisons plus en public
On nous a engueulés trop fort
Moqués trop durement
Bouger les pieds dans les chaussures c'est plus discret
Alignons les objets sur un bureau
Sur la table pendant le repas
N'importe où en fait
Ne le faisons plus quand on sent
Le regard trop fort sur nos épaules
Même si c'est douloureux ces objets 
Qui ne sont pas comme il faudrait
Ça déconcentre et ça irrite

Nous ne sommes pas autistes.

Nous avons toujours fait des crises
Des colères soudaines et inexpliquées
Enfin, quand-même, c'est pas si terrible !
Tu pourrais prendre un peu sur toi
Ne comprenions pas nous-même cette violence
Avons du la réprimer
L'avons retournée contre nous-même
A l'intérieur ça fait peut-être plus de dégâts
Mais du moment qu'ils sont invisibles, ça va

Nous sommes là physiquement
Mais le cerveau ne suit plus
Ça a toujours été comme ça
Tu pourrais faire un peu attention quand-même !
Non, on ne peut pas
Il y a trop d'informations à traiter
Lesonletouchertonsouriretessourcilstesparolescellesduvoisindetablequetunentendsmêmepaslalumièrelasalièrepasalignéelachansonquitourneenboucledepuisleréveillesdouteslesprotocolesàsuivrecequejaienviededirelefaitquejemempêchedemebalancerlodeurdefriturelecliquetisdunéonlavoisinequiritfortsonsacposétroprèsdemoitajambequimefrôlemêmesijetaimejenelesupportepas

Nous ne sommes pas autistes.

Avons trouvé un travail
L'avons perdu
En avons retrouvé un autre
A temps plein
Avons fait un burn-out
Travaillons à temps plein sur notre passion
Sur une tâche répétitive qui nous comble
Avons trouvé un métier où notre rigueur est valorisée
Où il n'y a pas besoin de travailler en équipe
Travaillons à temps très partiel
En subsistant avec peu d'argent
Ne travaillons pas
Vivons encore chez maman
Vivons en couple avec un mari, une femme qui nous assument
Pas seulement financièrement
Sans eux, impossible de faire la moindre démarche administrative, médicale 
Ou simplement le ménage
Mais ils sont là alors ça va on s'en sort
Pour le moment

Avons un, deux, trois enfants
Sommes débordés par ces individualités à gérer
Avec leurs côtés atypiques
Leurs bruits, leurs mouvements
Leurs tempêtes émotionnelles
Et les autres parents
Ah, les autres parents...
Qui veulent parler de la pluie
De la dernière dent du petit
Qui veulent parler
On n'y arrive pas
On ne comprend pas l'intérêt de l'échange
On passe pour condescendant
N'avons pas d'enfants
N'avons pas d'amis
Avons des amis
Décommandons souvent
Craquons en rentrant
Sommes épuisés après avoir accepté d'aller boire un verre
Buvons plus que de raison pour supporter de sociabiliser
Perdons ces amis sans comprendre pourquoi

Nous ne sommes pas autistes, mais nous ne sommes pas non plus bipôlaires, borderline, schizophrènes, HPI, ne souffrons pas d'un TSPT, ne sommes pas multi-dys, TDA/H ou en dépression.

Ou bien si, mais ça n'explique pas tout.

Nous ne sommes pas autistes, parce que nous ne sommes pas un petit garçon blanc qui évite le regard et se balance en énumérant les décimales de Pi.

Nous ne sommes pas autistes. Nous sommes neuroatypiques, d'une manière qui ressemble fortement à l'autisme.

Comment voulez-vous que nous l'appelions ?

Avril 2020

Textes

J'AIME LES GENS

Je vous aime.

J'aime les gens

Ce n'est pas d'un défaut d'amour 
Dont il est là question

Vos émotions me touchent
Vos fragilités inconscientes
Me bouleversent et me font vibrer

Du reste, je les reçois entières
Sans filtre
De plein fouet

Je suis tout à la fois
Attendrie
Et submergée par la beauté

De votre apparente simplicité
De votre manière d'être sans hésiter
De votre croyance en une seule vérité


Je vous aime encore
Quand je cesse d'être observatrice
Pour tenter de participer.


J'aime le groupe

Construire collectivement 
Ce qui n'aurait pas existé seul
S'enrichir de ces échanges
Philosopher toute la nuit

Chanter, jouer, danser
Se laisser enivrer
Par ces autres modes d'expressions
Vivre ensemble ces émotions
Les laisser nous traverser et nous dépasser


Je vous aime avec force, oui
Mais cet amour me creuse.


Je me dilue en vous

Mes pensées disparaissent quand vous parlez
Mon corps brûle quand vous me frôlez
Vos voix, vos avis, vos états d'âme 
Sont autant de persistances 
Sonores, intellectuelles, émotionnelles
Qui resteront en moi jusqu'à tard dans la nuit

En vain j'essaie de m'adapter
Je parais froide, pédante, empruntée
Je pleure de rage et de dégoût
Je me fais violence pour rester avec vous


Et même quand j'abandonne
Toujours provisoirement
Que je vous mets à distance
Plus ou moins volontairement
Que je hais votre inconscience
vos cœurs fermés, vos esprits obtus
Que je crie, démunie
Qu'on ne m'y prendra plus...

Même là, je vous aime.

 

Cette ambivalence m'épuise
Me dépasse et me désempare

Mon besoin de vivre cet amour, mon besoin d'appartenance
Mon besoin de solitude pour ne pas perdre ma consistance

Entrent en collision
Sans espoir de réconciliation


Je vous aime
Je ne vous supporte pas
Et ne sais que faire de ce sentiment-là.

Avril 2020

Textes

NE ME TOUCHE PAS

Ne me touche pas.
Tu voudrais bien, mais
Tu ne peux pas ignorer
Que je suis tordu
Que je ne peux pas aimer
Que je veux être tranquille et abandonné
Puisque c'est toujours comme ça que ça doit se passer...

Tu sais bien, comme moi
Que c'est si facile
De se laisser aller avec n'importe qui
De se détacher de son enveloppe 
Elle n'est qu'une coque de chair vide
Donnant un peu de jouissance imbécile
Mais quand vient le soir 
Le dégoût est là 
Et on ne peut plus se mentir…
Alors ne me touche pas.

Ne me touche pas 
Ou je m'en irai
Ne me touche pas
Ou je vais m'énerver
Et te détester 
Voire même te frapper

Ne me touche pas
Car je ne peux pas inventer
Un désir que je n'ai pas
Ou dont je ne veux pas
Ne me touche pas
Si tu tiens à moi

Ne me touche pas
Si tu ne veux plus entendre 
Ces mots et cette haine
Que j'ai pour toi malgré moi
Ne me touche pas
Car tu me rappelles
Que je ne le supporte pas
Et que ça te fait mal 

Ne me touche pas 
Car ça réveille 
La mauvaise humeur 
Chronique chez moi
Alors qu'au départ
Ne l'oublie pas
Cette mauvaise humeur
N’est pas contre toi.

Avril 2005

Textes

DIALOGUE

"- Dis-moi, est-ce que tu as déjà été seul.e au point de parler à tes meubles ?
- Oui, j'ai déjà eu de longues conversations avec ma chaise et mon futon.

- As-tu déjà passé plus de 50 heures juste avec un ordinateur ?
- Oui, en me demandant pourquoi me laver, me coiffer, pour qui m'habiller.

- Je suis déjà allé.e dans des magasins juste pour voir d'autres être humains.
- Moi je me suis demandé : "Si je me blesse gravement, on me trouvera dans combien de temps ?"

- Si ça se trouve j'ai jamais rencontré personne, j'invente ma vie, je déraisonne...
- Oui, moi aussi ça m'arrive de penser ça ; de me dire que j'existe pas.

- Ça me fait du bien de pouvoir t'en parler, je suis pas seul.e à galérer.
- Oui, mais si on partage le même problème c'est parce que tu te parles à toi-même..."

Novembre 2017

Textes

MAUVAISE HUMEUR

Si tu m’emmènes au parc
Je ne vais pas sourire, je ne sourirai pas.
Si tu m’achètes une glace
Je ne vais pas sourire, je ne sourirai pas.
Pour un tour de manège
Je ne vais pas sourire, je ne sourirai pas.
A la pêche aux canards
Je ne vais pas sourire, je ne sourirai pas.

Rien n’est bien, rien ne va.
Je ne vais pas sourire.
Pourtant je m’amuse bien.
Je ne sourirai pas.

« Tu es toujours comme ça. »
Je ne vais pas sourire, je ne sourirai pas.
« C’est vrai, tu n’aimes rien. »
Je ne vais pas sourire, je ne sourirai pas.
« On veut te faire plaisir »
Je ne vais pas sourire, je ne sourirai pas.
« Mais ça ne te touche pas. »
Je ne vais pas sourire, je ne sourirai pas.

Tu ne sais pas pourquoi.
Je ne vais pas sourire.
Tu ne te demandes pas.
Je ne sourirai pas.

Mais ce n’est plus la peine
Je ne vais pas sourire, je ne sourirai pas.
De venir vers moi.
Je ne vais pas sourire, je ne sourirai pas.
Si ça te fait de la peine
Je ne vais pas sourire, je ne sourirai pas.
Ça ne me regarde pas.
Je ne vais pas sourire, je ne sourirai pas.

Avril 2005

Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :