17 mai

Publié le par Neurodivergente

Aujourd'hui c'est la journée internationale contre l'homophobie et la transphobie. J'ai envie de partager la reprise ci-dessus (mash-up entre deux chansons bien connues...) et quelques mots à ce sujet.

Tout d'abord, à ceux qui pensent que la lutte contre l'homophobie est un combat dépassé, je voudrais rappeler qu'il y a toujours en France de nombreuses agressions homophobes.

Ensuite, mon mash-up défend plus spécifiquement la transidentité parce que j'ai le sentiment qu'en ce moment de nombreuses violences se cristallisent particulièrement sur ce point-là.

Je peux comprendre que pour les personnes qui ne sont pas concernées, qui n'ont jamais ressenti la moindre dysphorie de genre (douleur psychique de ne pas se sentir en accord avec son genre assigné et ou son physique) cela puisse être obscure. Dans un monde où tout est binaire, la non-binarité ou la transition de genre peuvent provoquer de grosses dissonances cognitives et je pense que c'est une donnée à prendre en compte si on veut faire avancer le sujet. La transphobie n'est pas qu'un manque d'ouverture d'esprit.

Mais il me semble fondamental de rappeler que la transidentité ne tue personne, alors que l'homophobie et la transphobie, oui.

Je peux ne pas comprendre les émotions ou les choix d'une personne. Mais de là à souhaiter que cette personne se cache, perde ses droits, change, disparaisse, meurt ?
Cela me dépasse.

À ceux qui pensent que c'est une mode qui met en danger nos enfants je dirai que certes, il faut faire attention à mettre en place un accompagnement particulier, individualisé, prendre beaucoup de temps et de réflexion en ce qui concerne les transitions des adolescents (en particulier pré-pubères). Mais réduire la transidentité à une mode c'est ignorer à quel point cela a toujours existé, sous diverses formes, dans toutes les cultures.

Quand je lis que c'est une mode, ça m'amuse parce que mon expérience ne pourrait pas en être plus éloignée. J'ai grandi dans un monde où il n'y avait pour ainsi dire aucune représentation de la transidentité. On ne peut pas dire qu'il y avait de quoi me mettre ça dans la tête à mon insu ! Et pourtant, j'ai passé ma vie à "redécouvrir" que j'étais censée être une fille. Tout simplement parce que ça me sortait de la tête. Par défaut, je me sens entre masculine et neutre. Et parfois, je prends plaisir à me déguiser en fille. Mais je l'ai toujours vécu exactement comme cela, un déguisement, depuis l'enfance. Quand j'étais enceinte c'était à son paroxysme : à chaque fois que je voyais ce corps si immanquablement feminin, j'étais surprise. "Ah tiens, c'est vrai..." Ce n'est même pas une source de souffrance, c'est simplement une donnée que j'oublie en permanence au quotidien. Ce n'est tout simplement pas comme cela que je me sens à l'intérieur.

Quant à la question des multiples mots pour définir le genre, que certain.es trouvent trop compliqués... J'aurais tellement aimé que ces termes existent, circulent, soient connus du grand public pendant mon enfant et mon adolescence. Ça m'aurait tellement aidé à avoir de la clarté sur ce que je ressentais depuis toujours. Mettre des mots. Savoir qu'on n'est pas seul. Ne pas se sentir honteux. À la puberté faire le deuil d'un corps androgyne et galérer à continuer faire entrer une taille fine et des hanches larges dans des jeans à coupe droite. Faire face au harcèlement scolaire (big up à ces abrutis qui me poursuivaient en gueulant "Moresmo" ou "Muchacho !" )

Avec la transidentité vient également la question du féminisme. Les personnes assignées femmes qui se sentent d'un autre genre sont parfois perçues comme des traîtres à la cause. Si on se sent masculines c'est parce qu'on aurait intériorisé le patriarcat et les rapports de domination. Alors soyons clairs, je suis tout à fait d'accord pour dire que la puissance féminine et la douceur masculine existent. Mais l'identité de genre ce n'est pas aussi caricatural que cela, c'est plus complexe et intime.
Et au dela de mon ressenti profond d'être non-binaire (ou plutôt de genre fluide) je reste bien évidemment une personne qui a été et est toujours socialisée en tant que femme, avec un corps biologique particulièrement féminin de surcroît. Donc JE SAIS ce que c'est que d'être de ce côté-là de l'oppression patriarcale et en cela je suis immanquablement féministe. Mais je suis féministe "à mon genre défendant" si je puis dire. Parce que par ailleurs, je ne me sens pas concernée par une grande partie des sujets dits "féminins".

Le féminisme trans-friendly, c'est aussi prendre conscience de la violence imprimée sur toute personne perçue comme femme quand elle n'est pas assez "féminine" dans son expression de genre. Comme je l'évoquais plus haut, j'ai été suffisamment harcelée au collège pour bien intégrer qu'il m'était indispensable de me déguiser en fille si je ne voulais pas être agressée. Plus récemment, j'ai tenté pendant quelques mois de me réapproprier mon expression de genre c'est à dire sortir en public habillée d'une manière plus "masculine" plus en accord avec mon ressenti intérieur, ce que je ne m'étais plus vraiment autorisé depuis le collège (le harcèlement, ça fonctionne). Mon constat : j'ai été très nettement plus ignorée dans les situations socio-professionnelles. Les gens allaient clairement moins vers moi et accordaient clairement moins de valeur à ce que je pouvais dire ou faire. C'était une expérience intéressante pour prendre conscience de mon "beauty privilege" (quand je me déguise en fille) et j'ai un peu honte de ne pas m'en être rendue compte plus tôt. C'était aussi un petit avant-goût de ce qui m'attend quand je serai définitivement périmée en tant qu'objet sexuel (à bientôt 38 ans et en surpoids, je n'en suis pas loin...) Bref, c'est édifiant.

En attendant, constatant que je ne suis pas encore prête à abandonner totalement ce "beauty privilege", j'ai sciemment choisi de retourner à une expression de genre publique en désaccord avec ce que je me sens être. Ne souffrant pas d'une trop grande dysphorie et passant le plus clair de mon temps chez moi, je peux me le permettre. Ce n'est pas le cas de tout le monde. Et même pour moi, ce n'est pas en accord avec mes convictions profondes, car j'aspire à une société où on pourra librement exprimer son genre sans danger.

Bref, c'est un vaste sujet et je suis loin d'avoir tout dit mais pour aujourd'hui ma conclusion sera donc la suivante :

Si vous avez l'envie irrépressible de péter la gueule à quelqu'un parce qu'iel est noir.e, trans, gros.se, homo, arabe, autiste, ou simplement parce que c'est une femme... allez faire du judo, un footing ou de la méditation et FOUTEZ-NOUS LA PAIX.

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